État des lieux sur le régime fiscal de l’imposition sur la dépense en Suisse
Introduction
Chaque année, plus de 100.000 étrangers viennent s’établir en Suisse. Les grandes villes suisses apparaissent souvent dans la liste des dix villes où il est des plus agréables de vivre.
Les arrivants apprécient en particulier la qualité de vie, la stabilité politique, l’excellent niveau des soins de santé, sans compter l’attractivité fiscale de la Suisse. Depuis de nombreuses années, la Suisse attire les grandes fortunes de nombreux pays dont la Belgique. À ce jour, il y a environ 5.500 résidents suisses qui bénéficient du régime d’imposition d’après la dépense.
Exclusion faite de l’impôt en matière de succession et de donation, ces personnes paient environ 800 millions d’euros d’impôts par an. Depuis la réforme du 28 septembre 2012 prévoyant un durcissement du forfait fiscal suivi du rejet par le peuple suisse le 30 novembre 2014 d’une initiative visant à supprimer l’imposition d’après la dépense, ce régime d’imposition vit une stabilisation. Le 24 juillet 2018, l’Administration fédérale des Contributions (AFC) a édicté la circulaire n° 44 qui remplace la circulaire n° 9 du 3 décembre 1993. Il y a lieu de préciser que la Belgique ne connaît pas de régime fiscal comparable au système du forfait fiscal suisse. Après avoir brièvement rappelé les origines de l’imposition forfaitaire (I), nous examinerons les aspects essentiels de ce régime (II) ainsi que les conditions qui doivent être remplies pour pouvoir en bénéficier (III). Ensuite, nous décrirons le mode de calcul de la taxation d’après la dépense (IV). Enfin, nous examinerons les particularités par rapport à la France (V).
I. Bref rappel historique
L’origine du forfait remonte au milieu du 19e siècle lorsque la Riviera vaudoise4 devient un haut lieu du tourisme international, accueillant les personnes fortunées de tous pays. À cette époque, le seul impôt direct en vigueur dans le canton de Vaud est l’impôt foncier5. L’exécutif réfléchit alors à la création d’une imposition sur la fortune mobilière des personnes physiques.
C’est dans ce contexte bien particulier que naît en date du 21 août 1862 l’ancêtre de l’imposition sur la dépense, aujourd’hui communément nommé « forfait fiscal ». Cette disposition législative visant à faciliter la prise de résidence dans le canton des contribuables étrangers fortunés précise alors : « Les étrangers à la Suisse qui n’exercent aucune industrie dans le canton ne sont soumis à l’impôt qu’après deux ans de domicile et seulement pour la fortune mobilière qu’ils possèdent dans le canton ».
Pendant des décennies, ce type d’imposition a perduré au gré des critiques ou des soutiens, alliés du système, conscients de ce que les riches contribuables étrangers apportent directement ou indirectement, à travers leurs dépenses, leurs investissements et leurs bonnes œuvres. Il faut attendre la fin de la première guerre mondiale, pour que le forfait émerge à nouveau de l’histoire.
En 1918, afin de faire face à la hausse des dépenses publiques, le Conseil d’État décide au titre de cette année fiscale de prélever chez les personnes qui bénéficient d’un forfait fiscal (aussi nommées les « forfaitaires ») une taxe temporaire en fonction de leurs ressources ou revenus, qui si elle ne peut être déterminée avec précision, sera évaluée par le receveur des impôts suivant les dépenses de l’intéressé et ses signes extérieurs de richesse. En 1923, entre dans l’ordre législatif vaudois, la loi d’impôt sur la fortune et le produit du travail qui officialise et consacre cette forme d’imposition. Cette loi dispose que les étrangers sont exonérés de toute contribution pendant la première année de séjour. À partir de la deuxième année, et ce pendant quatre ans, ils sont redevables d’un impôt basé sur les signes extérieurs de revenus que l’on nommerait aujourd’hui les signes extérieurs de richesse. Cette imposition spéciale est réduite de moitié pour les résidents étrangers vivant à l’hôtel, afin de ne pas les dissuader de prendre résidence dans les palaces lémaniques. Après cinq années de séjour, les contribuables étrangers fortunés seront alors censés s’acquitter d’une imposition identique à celle de la population vaudoise.
Le canton de Vaud fut ainsi le précurseur de ce système d’imposition, Genève l’introduisant en 1928, avant son adoption par la Confédération en 1934, et sa naissance véritable au niveau fédéral le 10 décembre 19489 lorsque les cantons se sont unis pour conclure un concordat « sur l’interdiction des arrangements fiscaux » et unifier la pratique et les conditions de l’octroi de l’imposition sur la dépense10. Depuis, le système a perduré avec des adaptations nécessaires.
Le 12 juin 1977, le peuple et les cantons ont accepté un projet de base constitutionnelle confiant à la Confédération le soin d’harmoniser les impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes. Le peuple a ainsi donné à la Confédération le mandat d’édicter deux lois fédérales, à savoir une loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes et une loi sur l’impôt fédéral direct.
C’est finalement le 14 décembre 1990 que les deux textes de loi furent définitivement acceptés par les Chambres fédérales en votation finale.
II. Aspects essentiels de l’imposition d’après la dépense
L’imposition d’après la dépense constitue une modalité de l’imposition du revenu, et non un substitut. Ce mode d’imposition, dont la doctrine reconnaît la constitutionnalité offre un mode simplifié de détermination de l’assiette fiscale pour les ressortissants étrangers sans activité lucrative. En effet, la plupart du temps, la situation des contribuables qui en bénéficient pourrait être très difficilement traitée par les moyens de la taxation ordinaire. Au niveau statistique, on peut observer que le nombre de personnes qui bénéficient d’une imposition sur la dépense est relativement faible. D’après la conférence des directeurs cantonaux des finances, à la fin 2016, on comptait 5.046 bénéficiaires au niveau fédéral. Les trois-quarts sont domiciliés dans les cantons de Vaud, Valais, Genève et Tessin. Quant aux recettes fiscales perçues par les cantons, malgré une diminution du nombre des personnes qui bénéficient d’une imposition sur la dépense, elles s’inscrivent à la hausse.
En 2016, les recettes ont atteint CHF 767 millions. Cela représente au niveau cantonal des recettes fiscales de CHF 155 millions à Genève selon les chiffres 2014, CHF 198 millions pour le canton de Vaud en 2016, CHF 97 millions pour le Valais, CHF 118 millions pour le Tessin et CHF 54 millions pour les Grisons16. À l’origine, cette modalité particulière d’imposition répondait surtout à des considérations pratiques, se distinguant du régime ordinaire en se basant sur le train de vie du contribuable et des personnes à sa charge et non pas sur l’assiette de ses revenus et de sa fortune.
« En substance, ce système, anciennement appelé imposition forfaitaire, tend à remplacer l’exigence d’une déclaration complète des revenus imposables par un calcul de l’impôt établi en fonction de la dépense du contribuable concerné ». L’imposition sur la dépense constitue une forme particulière de taxation par appréciation, ouverte aux personnes désirant s’établir en Suisse. Elle remplace donc à la fois l’impôt sur le revenu et sur la fortune.
Depuis le 14 décembre 1990, l’imposition forfaitaire est ainsi régie par l’article 14 LIFD en matière d’imposition fédérale directe. L’article 6 de la LHID précitée fixe quant à lui les conditions selon lesquelles les cantons doivent transposer dans leur législation l’imposition sur la dépense. Si la Confédération a défini le principe de l’imposition d’après la dépense, elle a laissé aux cantons la possibilité de légiférer dans un cadre particulier.
Ce type d’imposition revient, indépendamment du niveau de revenu et de fortune du contribuable concerné, à le taxer seulement sur sa dépense en Suisse, ou sur certaines des composantes de ses revenus. Le contribuable doit dans ce contexte fournir un ensemble d’informations précises, dont le détail est variable selon les cantons, afin que le montant de sa dépense puisse être déterminé avec le plus de cohérence possible. En revanche, il sera dispensé de déclarer sa fortune ainsi que ses revenus étrangers. Chaque année, il sera toutefois dans l’obligation de déclarer ses revenus de source suisse ainsi que sa fortune indigène dans la mesure où l’imposition sur la dépense ne saurait être inférieure au calcul de contrôle, à savoir celui calculé sur les éléments de revenu et de fortune de source suisse.
III. Conditions à remplir pour bénéficier de ce type d’imposition
L’étranger qui n’a jamais vécu en Suisse, ou bien qui y retourne après une absence de dix ans au moins et qui n’y exerce aucune activité lucrative, peut demander à être imposé forfaitairement sur la base de la dépense correspondant à son train de vie, au lieu d’être imposé de manière illimitée sur l’ensemble de ses revenus et de sa fortune au niveau mondial21. Un double national également suisse ou une personne mariée vivant en ménage commun avec un Suisse ne peut bénéficier de ce régime. Une personne naturalisée perd ce droit et devient obligatoirement soumise à l’imposition ordinaire.
A. Bases légales
Le nouvel article 14, alinéa 1, LIFD prévoit que les personnes physiques ont le droit d’être imposées d’après la dépense au lieu de verser l’impôt sur le revenu si elles remplissent les conditions suivantes:
a. ne pas avoir la nationalité suisse ;
b. être assujetties à titre illimité pour la première fois ou après une absence d’au moins dix ans ;
c. ne pas exercer d’activité lucrative en Suisse.
B. L’absence de nationalité suisse
Comme le prévoit l’article 14 précité, seuls les ressortissants étrangers peuvent bénéficier de l’imposition d’après la dépense. La nouvelle circulaire n° 4422 précise que les ressortissants suisses qui possèdent également la nationalité d’un autre État ne sont pas considérés comme des étrangers et ne peuvent donc pas obtenir une imposition d’après la dépense. Le droit d’être imposé à forfait cesse à partir du moment où le contribuable concerné acquiert la nationalité suisse. Dans cette situation, celui-ci a l’obligation de payer l’impôt ordinaire sur le revenu pour l’entièreté de la période fiscale pendant laquelle il a obtenu la nationalité suisse.
C. L’établissement de la résidence en Suisse par le contribuable étranger
Afin de bénéficier de ce type d’imposition, le nouveau contribuable étranger doit s’établir pour la première fois en Suisse, ou revenir s’y établir après une absence de dix années au moins, ce qui soulève la problématique épineuse de la résidence fiscale. Il convient dans ce contexte d’étudier sa situation de résidence fiscale au regard du droit du pays d’origine, mais aussi suisse et enfin dans le contexte conventionnel, pour autant qu’une convention de non double imposition ait été conclue et ratifiée entre le pays de provenance et la Confédération. Les autorités suisses vont en pratique rarement questionner la résidence suisse du contribuable, puisqu’il souhaite y payer ses impôts. Le nouveau contribuable devra simplement avoir établi son domicile fiscal en Suisse et y résider sans interruption notable pendant au moins nonante jours.
En revanche, la circulaire n° 9 de l’AFC précitée mentionne que la création d’un domicile fictif en Suisse exclut l’imposition d’après la dépense et que celle-ci n’est admissible qu’à condition d’en réaliser les conditions nécessaires.
En pratique la question pourra être soulevée uniquement sous l’angle intercantonal, lorsqu’un contribuable qui prétendrait être domicilié en Valais par exemple et y serait sujet fiscal serait en réalité résident à Genève où il soutiendrait n’avoir qu’une simple résidence secondaire alors que celle-ci constituerait en réalité sa résidence principale. Pour le reste, le risque viendra potentiellement d’une requalification de résidence fiscale par les autorités fiscales du pays d’origine.
C. L’absence d’activité lucrative
L’obtention du forfait est incompatible avec l’exercice d’une activité lucrative28. L’administration fédérale des contributions expose dans la circulaire n° 44 ce qui suit à son chiffre 2.3 : « Exerce une activité lucrative qui exclut le droit à l’imposition d’après la dépense, la personne qui pratique en Suisse une profession principale ou accessoire de quelque genre que ce soit et en retire, en Suisse ou à l’étranger, des revenus. C’est en particulier le cas des artistes, des scientifiques, des inventeurs, des sportifs et des membres de conseils d’administration qui exercent personnellement une activité lucrative en Suisse ».
Cela implique qu’un forfaitaire ne peut exercer une activité lucrative sur le sol suisse ni en tant que salarié (que la société soit étrangère ou suisse) ni en tant qu’indépendant. En revanche, l’exercice d’une activité à titre gratuit en Suisse (ou à l’étranger) est tout à fait envisageable. On pense aux joueurs de tennis ou aux chanteurs notamment, qui pourront participer à des événements en Suisse à condition qu’il n’y ait pas de compensation financière directe ou déguisée.
Il convient encore de noter que les fonctionnaires consulaires ou des organisations internationales, ainsi que les diplomates qui ont travaillé en Suisse ne peuvent bénéficier de l’imposition d’après la dépense au moment de leur retraite, même s’ils n’étaient pas soumis à l’impôt sur le revenu en Suisse, car leur activité passée est considérée comme avoir été une activité lucrative.
Une attention toute particulière doit être accordée à la possibilité pour un forfaitaire d’exercer une activité lucrative à l’étranger. Tout d’abord, nous avons constaté des différences de vues entre les différentes administrations fiscales cantonales. En effet, certaines d’entre elles n’acceptent pas qu’un forfaitaire occupe des fonctions exécutives en qualité de salarié à l’étranger. Celles-ci « justifient leur position en considérant que, soit une partie de ses activités est exercée en Suisse, soit, si tel n’est pas le cas, le domicile suisse est fictif ».
Par ailleurs, nous avons remarqué qu’en cas d’activité lucrative à l’étranger en qualité d’indépendant, les autorités se montrent de plus en plus vigilantes sur le point de savoir si l’activité est réellement exercée depuis l’étranger ou si une partie est réalisée depuis la Suisse, ce qui est susceptible d’emporter la création d’un établissement stable en Suisse et ainsi, le développement d’une activité incompatible avec le maintien du forfait.
Au-delà de la nécessité d’absence d’une activité lucrative précisée par les textes, il convient de s’interroger sur des situations particulières. En l’occurrence, il convient de déterminer si une personne physique, ayant exercé une activité lucrative en Suisse en qualité d’administrateur rémunéré d’une société suisse, sans y avoir été fiscalement domiciliée, peut bénéficier ou non d’une imposition d’après la dépense. La réponse doit à notre sens trouver une issue favorable car selon le texte même de la loi, il faut, lors d’une première résidence en Suisse, ne pas y exercer d’activité lucrative. Les auteurs majoritaires vont également en ce sens. Les administrations fiscales genevoise et vaudoise considèrent généralement les choses de cette manière, mais ne se prononcent formellement que suite à une analyse circonstanciée.
Enfin, l’exercice d’une activité d’administrateur d’une société suisse, contrairement à l’exercice d’une activité salariée, ne semble en revanche pas incompatible avec le bénéfice d’une imposition sur la dépense. À condition bien évidemment que l’administrateur résident suisse ne perçoive aucun tantième ou jeton de présence, ni aucune contribution déguisée comme des notes de frais par exemple.
Sur ce point, les administrations fiscales cantonales ont une approche de plus en plus restrictive, au vu des abus constatés. Dans la circulaire n° 4430, l’AFC souligne que les époux vivant en ménage commun doivent remplir l’un et l’autre toutes les conditions pour être imposés selon la dépense. Le fait que l’un des époux vivant en ménage commun ait ou acquiert la nationalité suisse, le fait que l’un d’eux ait ou débute une activité lucrative en Suisse entraîne la perte, pour les deux époux, du droit à l’imposition d’après la dépense.
Dans ce cas, ils doivent acquitter l’impôt ordinaire sur le revenu pour l’ensemble de la période fiscale. Il est expressément précisé que dès le 1er janvier 2021, plus aucune exception à cette règle ne sera possible. Contrairement à une pratique en usage31 jusqu’alors qui permettait au contribuable de choisir, lors de chaque période fiscale, entre l’imposition au forfait ou l’imposition ordinaire, la circulaire n° 44 de l’AFC prévoit que désormais le contribuable qui renonce à l’imposition d’après la dépense pour être imposé à l’impôt ordinaire ne pourra plus (en règle générale, toutefois) revenir sur son choix.
IV. Procédure : le calcul de l’impôt et l’avenir de ce type d’imposition
Il convient désormais d’examiner la manière de déterminer la base taxable, de fixer la dépense et de relativiser ainsi l’impact du seul critère de la « valeur locative ».
A. Détermination de la dépense
1. Mode de calcul
Une personne qui souhaite bénéficier d’une imposition sur la dépense lors de son installation en Suisse, va négocier une base taxable, la dépense, avec les autorités fiscales du canton concerné. La dépense en question ne sera pas calculée sur la base de ses revenus ou de sa fortune mondiale.
Le dossier présenté à l’administration doit décrire la situation du contribuable de la façon la plus détaillée possible par rapport à ses dépenses, à son train de vie. À Genève, un formulaire officiel est disponible et devra être rempli et déposé par le candidat au forfait.
Dans le Canton du Valais, un tel formulaire est également requis ; toutefois, la dépense y est principalement fixée sur base de la valeur locative. Dans le canton de Vaud, le dépôt d’un tel formulaire n’est pas obligatoire. Les dépenses y sont généralement décrites dans le courrier d’introduction du dossier. Dans le canton de Genève, le ruling est en principe accordé pour une période limitée (généralement cinq ans), une nouvelle demande devant être déposée à l’échéance.
Dans Vaud et en Valais, les rulings ne prévoient en principe pas de durée limitée. Toutefois, toute modification du train de vie du forfaitaire devra être communiquée aux autorités fiscales qui adaptent le forfait en fonction de la nouvelle situation. Afin de déterminer la dépense, il convient d’établir son montant réel, sachant qu’il existe un montant de dépense minimum défini par les cantons. L’impôt sur la dépense est déterminé en fonction des frais réels occasionnés par le train de vie du contribuable en Suisse et à l’étranger.
Ainsi, la circulaire n° 44 du 24 juillet 2018 reprend à titre d’exemple la liste des dépenses suivantes : – les frais de nourriture et d’habillement ; – les frais de logement incluant les frais de chauffage, de nettoyage, d’entretien de jardins, etc. – les impôts et les contributions versées aux assurances sociales ; – les charges totales pour le personnel attaché au service du contribuable ; – les contributions d’entretien et les pensions alimentaires ; – les dépenses pour la formation, y compris les frais de scolarité des enfants, les loisirs, le sport, etc. ; – les dépenses pour les voyages, les vacances, les activités sportives et autres divertissements, etc. ; – les frais d’entretien d’animaux domestiques coûteux ; – les frais d’entretien et d’utilisation d’automobiles, de bateaux, de yachts, d’avions, etc.
La circulaire n° 44 précise que font aussi partie des dépenses du contribuable les frais afférents à toutes les personnes qu’il a à sa charge (son conjoint ainsi que ses enfants sous autorité parentale). Il s’agit des dépenses du contribuable ainsi que de son épouse et de ses enfants mineurs37. Pour ces derniers en effet, il convient de préciser que selon l’article 14 du Code civil suisse, une personne devient majeure à l’âge de 18 ans, comme dans la plupart des pays. En revanche, en Suisse, un jeune adulte ayant atteint l’âge de 18 ans devient sujet fiscal.
Les enjeux sont parfois de taille puisque cela signifie qu’un expatrié se délocalisant avec ses enfants âgés de plus de 18 ans ne pourra pas les inclure dans son imposition forfaitaire.
Par ailleurs, contrairement à la pratique ancienne, la nouvelle circulaire n° 44 apporte une nouveauté importante. En effet, elle prévoit un élargissement de la notion de dépense mondiale : dorénavant il convient de prendre également en considération les dépenses des personnes à la charge du contribuable qui sont domiciliées à l’étranger. L’ancienne circulaire n° 9 faisait uniquement mention des personnes à la charge du contribuable vivant en Suisse.
Ensuite, à partir du moment où le montant des frais relatifs au train de vie a été déterminé, il convient de s’assurer que ce montant n’est pas inférieur au fameux multiple de la « valeur locative »39 dont il est tant question. À cet égard, la nouvelle circulaire n° 4440. prévoit désormais explicitement que si le contribuable dispose de plusieurs immeubles en Suisse (en tant que propriétaire ou locataire), la valeur locative ou le loyer annuel le plus élevé doit être pris en considération pour le calcul du multiple, même si le bien retenu n’est pas la résidence principale du contribuable. Il convient de distinguer différentes situations suivantes :
a. Cas du contribuable louant un bien immobilier
Dans l’hypothèse, la plus répandue, où le contribuable qui vient s’établir en Suisse loue, en tout cas dans un premier temps, son logement, le montant des frais occasionnés par le train de vie ne peut être inférieur au septuple du loyer annuel. Le loyer annuel doit être considéré sans les frais de chauffage, précise l’AFC, et doit surtout correspondre à un prix de marché. Si le bien immobilier appartient à une personne proche du contribuable, le montant du loyer correspondra à celui qu’un tiers indépendant devrait payer.
b. Cas du contribuable propriétaire d’un bien immobilier
Lorsque le contribuable vient s’établir en Suisse et achète directement un bien immobilier, le montant des dépenses relatives au train de vie ne peut être inférieur au septuple de la valeur locative du logement que l’intéressé occupe et dont il est propriétaire45. Cette valeur locative est en principe comparable au loyer annuel que le contribuable devrait payer en tant que locataire pour un bien de même nature dans une situation semblable46 sans qu’il ne puisse y avoir de réduction pour sous-utilisation éventuelle du bien.
c. Cas du contribuable en pension
Enfin, lorsque le nouveau contribuable vit en pension (hôtel, pension ou autres établissements analogues), souvent à titre provisoire, en attendant la réalisation des travaux dans la résidence principale, le montant des frais occasionnés par le train de vie ne doit pas être inférieur au triple (anciennement le double) du prix de la pension pour le logement et la nourriture.
Dans ce prix, il convient également d’ajouter les dépenses inhérentes au service, aux boissons ou encore au chauffage48, bien que cela soit parfois difficile à évaluer en pratique. Parmi les différences cantonales, il convient de noter que la détermination de la valeur locative connaît des disparités. Cela revêt une grande importance dans la détermination du seuil-plancher de la dépense, puisque pour un bien à valeur vénale équivalente, la valeur locative prise en compte par le canton sera différente. À Genève par exemple, de nombreux critères permettent de déterminer la valeur locative. La taille du jardin, la vue, l’exposition, l’existence ou non d’une piscine, les équipements comme un sauna ou un jacuzzi, la surface habitable, sont entre autres des éléments qui vont permettre de fixer une valeur locative relativement indépendante du prix d’acquisition.
Dans le canton de Vaud, la détermination de la valeur locative sera un pourcentage de 2 à 3 % environ du prix d’acquisition. En Valais, la valeur locative d’un bien immobilier est souvent faible par rapport à ce que nous avons constaté dans les deux précédents cantons. Avec à la clé, une fixation du seuil de la dépense souvent de facto inférieure. La valeur locative peut aussi, en fonction des cantons, correspondre à un pourcentage de l’estimation fiscale. On peut donc constater que le multiple de la valeur locative n’est qu’un seuil-plancher en deçà duquel le montant des dépenses inhérentes au train de vie ne peut être fixé49. La référence est donc bien le niveau de vie du contribuable.
2. Minimum au niveau fédéral
Face aux critiques formulées par certains envers le forfait, une nouvelle loi a été adoptée le 28 septembre 2012 prévoyant l’adoption de nouvelles conditions plus restrictives pour l’octroi des forfaits. Ces nouvelles mesures s’appliquent depuis le 1er janvier 2016. Pour les personnes qui bénéficiaient déjà de l’imposition d’après la dépense au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les dispositions transitoires prévoient un délai de cinq ans. Ces personnes seront donc soumises aux nouvelles règles au plus tard à compter du 1er janvier 2021. On peut retenir de la réforme les points suivants.
Tout d’abord, l’impôt d’après la dépense est réservé exclusivement aux étrangers et non plus aux suisses qui pouvaient en bénéficier le premier exercice fiscal de leur arrivée ou retour en Suisse. Par ailleurs, le conjoint suisse d’un bénéficiaire étranger de cette imposition ne pourrait plus lui-même en bénéficier.
Ensuite, pour le calcul de l’impôt fédéral direct, un montant minimum de dépenses de CHF 400.000 concernant l’impôt fédéral est établi ainsi qu’une obligation pour les cantons de fixer un minimum de dépenses pour le calcul de l’impôt cantonal et communal52, ainsi que pour l’impôt sur la fortune.
3. Les différences cantonales
a. Impôt sur le revenu
Comme déjà mentionné ci-dessus, le montant sur lequel sont calculés aussi bien les impôts fédéraux, cantonaux que communaux destinés à remplacer l’impôt sur le revenu sont soumis à un certain nombre de seuils minimaux.
Pour rappel, tout d’abord, le montant des dépenses ne doit pas être inférieur à sept fois le loyer annuel ou la valeur locative. Ensuite, au niveau fédéral, le législateur a prévu que le montant de la dépense devra dans tous les cas s’élever à un minimum de CHF 400.000.
Au niveau cantonal et communal, le montant minimum de la dépense varie d’un canton à l’autre : – à Genève, le montant minimum du revenu est fixé à CHF 400.000. Pour tenir compte de l’impôt sur la fortune, une majoration de 10 % est prévue sur ce montant53 ; – dans le canton de Vaud, le forfait minimum s’élève à CHF 415.000, montant qui inclut 15 % d’augmentation pour tenir compte de l’impôt sur la fortune54 ; – en Valais et dans le Canton de Fribourg, le montant de revenu minimum s’élève à CHF 250.000 et la fortune hypothétique minimum est fixée à CHF 1.000.000.
Pour les ressortissants de pays non européens, les minima varient dans ces cantons en principe entre CHF 800.000 et CHF 1.000.000.
c. Imposition sur la fortune
Avant la réforme du 28 septembre 2012, il était admis que l’impôt calculé sur la dépense du contribuable remplaçait aussi bien l’impôt sur le revenu que celui sur la fortune. Toutefois, le législateur a prévu qu’à partir du 1er janvier 2016, les cantons ont l’obligation d’élaborer explicitement une méthode permettant de considérer que l’impôt d’après la dépense couvre également l’impôt sur la fortune (en plus de l’impôt sur le revenu).
Chaque canton a adopté des méthodes différentes pour prendre en considération l’impôt sur la fortune. Tout d’abord, les cantons de Fribourg, du Jura et du Valais ont opté pour le régime qui consiste à fixer un montant de fortune en se référant à celui pris en considération pour calculer l’impôt destiné à remplacer celui sur le revenu. Il est au minimum de quatre fois ce montant dans les cantons de Fribourg59 et du Valais60 et de huit fois dans celui du Jura.
Ensuite, les législateurs genevois et vaudois ont choisi des solutions différentes pour tenir compte de l’impôt sur la fortune. À Genève, la solution consiste à augmenter le montant de la base imposable à l’impôt sur le revenu (la dépense mondiale), de 10 %.
Ainsi, dans l’hypothèse où une personne imposée d’après la dépense loue un appartement pour un loyer de CHF 5.000, il sera taxé sur une dépense minimum de CHF 420.000 (5.000 x 12 x 763), montant qu’il conviendra d’augmenter de 10 % pour déterminer la base imposable à l’impôt cantonal sur la fortune. Dans notre exemple, une dépense mondiale annuelle de CHF 420.000 devra donner lieu à un forfait fiscal de CHF 462.000.
L’article 15, alinéa 3, de la législation vaudoise stipule ce qui suit : « L’impôt qui remplace l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune est calculé sur la base des dépenses annuelles du contribuable et des personnes dont il a la charge effectuées durant la période de calcul en Suisse et à l’étranger pour assurer leur train de vie, mais au minimum sur le plus élevé des montants suivants :
a. 415.000 francs, montant qui comprend une majoration de 15 % couvrant l’impôt sur la fortune ;
b. pour les contribuables chefs de ménage : sept fois le loyer annuel ou la valeur locative, montants majorés de 10 % ;
c. pour les autres contribuables : trois fois le prix de la pension annuelle pour le logement et la nourriture au lieu du domicile au sens de l’article 3, majoré de 10 % ».
En d’autres termes, le contribuable au forfait dont le septuple du loyer annuel ou de la valeur locative est inférieur ou égal à CHF 360.000 est soumis à une augmentation, pour couvrir l’impôt sur la fortune, de 15 %.
Dès que ce montant de 360.000 sera atteint, la majoration ne sera plus que de 10 %. En tout état de cause, le forfaitaire n’a pas l’obligation de déclarer sa fortune réelle à l’exception de celle, comme nous le verrons ci-dessous, entrant en considération dans le cadre du calcul de contrôle.
B. Le calcul de contrôle
L’imposition sur la dépense négociée et déterminée contractuellement avec le canton concerné ne peut toutefois pas être inférieure à ce qu’il est convenu d’appeler le « calcul de contrôle »65. Les incidences de ce calcul annuel sont loin d’être anodines, surtout dans un contexte international où le contribuable expatrié perçoit des dividendes importants en provenance de l’étranger et souhaiterait notamment bénéficier des conventions de double imposition en vigueur entre la Suisse et l’État de source du revenu. Chaque année, il y a lieu de comparer le montant de l’imposition négociée sur la dépense et le calcul de contrôle effectué sur la base des éléments mentionnés dans la LIFD et dans la LHID66. Il s’agit ainsi de prendre en compte au titre du calcul de contrôle les éléments suivants :
a. la fortune immobilière située en Suisse et les revenus qui en découlent ; à savoir la valeur de l’immeuble au titre de l’impôt sur la fortune ainsi que les revenus locatifs s’il est loué ou bien la valeur locative si le propriétaire habite son bien en dépit du fait que cette valeur locative ait déjà été prise en compte dans le cadre de la règle du multiple annuel afin de déterminer le seuil minimal d’imposition forfaitaire ;
b. l’ensemble des objets mobiliers qui se situent en Suisse et les revenus qu’ils produisent ;
c. les capitaux mobiliers placés en Suisse et les revenus qu’ils produisent ;
d. les droits de propriété intellectuelle comme les brevets, marques ou encore les droits d’auteur exploités en Suisse ainsi que les revenus générés par ces droits ;
e. les retraites, rentes et pensions de source suisse sont également concernées par le calcul de contrôle, même si en pratique, au vu du profil des contribuables imposés sur une base forfaitaire, cela n’aura que peu d’impact ;
f. les revenus pour lesquels le contribuable requiert un dégrèvement partiel ou total d’impôt étranger en application d’une convention préventive de double imposition.
Concernant le calcul de contrôle (art. 14, al. 3, LIFD et art. 6, al. 3, LHID), la circulaire n° 44 clarifie certains points par rapport à l’ancienne pratique de l’Administration fédérale des Contributions : En premier lieu, la notion de revenus de capitaux mobiliers placés en Suisse qui entrent en ligne de compte pour le calcul de contrôle, y est notamment précisée. Malgré la formulation de cette disposition, la majorité des auteurs, confortée récemment par la circulaire n° 44, considère que le fait que les valeurs mobilières soient placées en Suisse ou à l’étranger n’a pas d’incidence.
Il n’est donc pas nécessaire pour un forfaitaire de faire gérer son patrimoine hors de Suisse pour éviter l’impact négatif du calcul de contrôle. En revanche, « est déterminant le lieu du siège de la société ou le domicile de la personne qui distribue les intérêts et les dividendes ». En pratique, il s’agit donc des actions de sociétés suisses et des dividendes distribués par celles-ci, des obligations émises par une société ou un émetteur domicilié en Suisse et des intérêts versés, quelle que soit la devise d’émission. Il est important de préciser que le lieu où le titre est physiquement déposé n’a pas d’importance. En revanche, un produit émis en francs suisses par un émetteur étranger ne sera pas considéré comme un revenu suisse.
Enfin, les produits qui ne sont pas taxés pour les résidents suisses soumis au régime ordinaire, n’entrent pas dans le calcul de contrôle, tels les gains en capital provenant de la fortune mobilière privée. Par ailleurs, les revenus générés par les dépôts bancaires (dont par exemple les liquidités auprès d’une banque), sont de source suisse lorsque le débiteur du compte (à savoir la banque auprès de laquelle le compte est ouvert) a son siège en Suisse.
Enfin, l’article 14 LIFD prévoit que doivent également être pris en compte dans le calcul de contrôle les revenus « conventionnés ». En effet, les revenus pour lesquels le contribuable demande un dégrèvement partiel ou total de retenue à la source étrangère, en application d’une convention préventive de double imposition, entrent en ligne de compte pour le calcul de contrôle.
Contrairement aux revenus de source suisse qui doivent être obligatoirement déclarés dans le cadre du calcul de contrôle, le contribuable a le choix de se prévaloir ou non des avantages de la ou des conventions de double imposition qu’il pourrait invoquer. Dans l’hypothèse où le contribuable décide de ne pas demander l’application de la ou des conventions, les revenus étrangers qu’il aura perçus ne seront pas pris en compte dans le cadre du calcul de contrôle mais le contribuable ne pourra pas obtenir le remboursement ou la réduction de l’impôt à la source dans le pays étranger.
Comme le précise la circulaire n° 44, les revenus étrangers pouvant faire l’objet d’un dégrèvement partiel ou total de retenue à la source, se composent principalement des dividendes, des intérêts ainsi que des redevances de licence ; sont également inclus les revenus du travail, les pensions et les rentes ayant leur source dans tous les États qui ont conclu une convention préventive de double imposition avec la Suisse.
Lorsque le contribuable choisit d’obtenir un dégrèvement conformément à une convention, il devra par conséquent dans le cadre du calcul de contrôle déclarer en Suisse les montants des revenus concernés, à savoir le revenu diminué de la part non remboursable de l’impôt étranger. « Il découle de ce qui précède que les revenus étrangers pour lesquels le contribuable ne cherche pas à se prévaloir d’une convention fiscale conclue par la Suisse ne sont pas inclus dans le calcul de contrôle et le contribuable est donc dispensé de les déclarer aux autorités fiscales suisses ». Enfin, il convient de préciser que le comparatif s’apprécie au titre de chaque année. Le fait qu’une année le calcul du contrôle soit plus important que le forfait, n’implique pas qu’il le soit pour toutes les années suivantes. C’est le plus élevé des deux qui sera ainsi au titre de chaque année pris en compte.
D. Imposition dite « modifiée » d’après la dépense
Comme indiqué ci-avant, les résidents suisses assujettis à l’impôt d’après la dépense peuvent prétendre aux avantages des conventions fiscales conclues par la Suisse, et plus particulièrement au dégrèvement des impôts étrangers retenus à la source80. Toutefois, certaines conventions conclues par la Suisse contiennent des règles spécifiques pour les personnes soumises à l’imposition d’après la dépense.
En effet, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Italie, la Norvège, le Canada et les États-Unis d’Amérique ont instauré dans les conventions de double imposition conclues avec la Suisse le système qualifié de « forfait modifié ».
Cela signifie que les États précités reconnaissent la qualité de résident, au sens des conventions de double imposition, uniquement aux personnes qui, payant l’impôt d’après la dépense en Suisse, y sont imposées non seulement sur la base imposable déterminée en application des principes généraux exposés ci-dessus, mais également dans le cadre du calcul de contrôle sur la totalité des revenus provenant de l’État de source (art. 14, al. 5, LIFD et art. 6, al. 7, LHID). Autrement dit, le bénéfice de la CDI concernée pourra uniquement être demandé pour le dégrèvement des retenues à la source pratiqué dans ces pays lorsque tous les revenus issus de l’État concerné sont pris en compte dans le calcul de contrôle suisse.
Comme indiqué, le contribuable sera tenu d’acquitter l’impôt le plus élevé, résultant soit de sa dépense soit de son calcul de contrôle.
V. Situation particulière avec la France
Dans un contexte franco-suisse, il convient d’exposer la particularité de ce que l’on nomme le « forfait majoré ».
Dans le cadre de la convention conclue entre la France et la Suisse en matière de revenus et d’impôt sur la fortune, n’est pas considérée comme résidente au sens de la convention « une personne physique qui n’est imposable (…) que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État ».
Dans un échange de lettres du début des années septante, les administrations fiscales suisse et française ont décidé qu’une personne imposée d’après la dépense en Suisse avait néanmoins la qualité de résident suisse au sens de la convention bilatérale si la base d’imposition fédérale, cantonale et communale était supérieure à un multiple de cinq fois la valeur locative de l’habitation ou une fois et demi le prix de la pension et que la base d’imposition cantonale et communale était proche de la base fédérale, tout en devant être égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France, pour les revenus de source française lorsqu’ils sont privilégiés par la convention.
En pratique, ces dispositions ont abouti à une majoration de 30 % environ de la dépense fixée, afin que le contribuable puisse être considéré comme résident au sens de la convention et puisse se faire délivrer par les autorités fiscales du canton une attestation en ce sens. En effet, dans la mesure où de nombreux contribuables ayant quitté la France afin de s’établir en Suisse ont gardé des liens importants en France, notamment des intérêts économiques, il était fondamental de pouvoir bénéficier des dispositions de la convention franco-suisse.
Or, depuis le 26 décembre 2012 et la dénonciation de l’accord de 1972, la France considère qu’une personne qui bénéficie d’une imposition sur la dépense n’est pas résidente au sens de la convention, même si le calcul de la dépense est majoré de 30 %.
VI. Droit transitoire
Pour les personnes au forfait au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, à savoir le 1er janvier 2016, les dispositions transitoires prévoient un délai de cinq ans pour l’application des dispositions de la nouvelle loi. Ces personnes seront imposées selon les nouvelles règles dès le 1er janvier 2021. Il est important de préciser que les cantons de Vaud et Valais ont prévu pour ces personnes une augmentation des forfaits par paliers.
Conclusion
Il serait erroné de penser qu’a priori, ce type d’imposition heurte uniquement la sensibilité de la population située à gauche de l’échiquier politique. Certains résidents suisses fortunés imposés au rôle ordinaire que nous avons interrogés sont choqués que les étrangers bénéficiaires d’une imposition sur la dépense ne paient pas le même montant d’impôt qu’eux. On pourrait arguer du fait que la situation des forfaitaires est très différente de la leur et par là même ne revêt pas de caractère inégalitaire. Les forfaitaires ne peuvent pas exercer d’activité lucrative. Ils ont souvent de nombreux intérêts économiques à l’étranger et une source de revenus étrangère. Les revenus des artistes et sportifs de haut niveau par exemple sont générés hors de Suisse et soumis à une imposition ou à un prélèvement à la source dans le pays où les prestations sont réalisées. Entre l’imposition à la source et l’imposition sur la dépense, le taux global d’imposition de ces contribuables est souvent loin d’être faible.
Au surplus, leur statut fiscal dit favorable ne leur permet pas, s’ils veulent continuer à en bénéficier, de prendre la nationalité suisse et d’exercer un droit de vote dans le pays où ils sont résidents, possèdent des biens et paient des impôts. L’argument des minima non seulement au niveau fédéral, mais aussi cantonal et communal, est à notre sens de nature à convaincre plus efficacement l’ensemble de la population de la contribution de cette population aux finances publiques. Les excès dévoilés par des bénéficiaires d’anciens forfaits symboliques sont de nature à stigmatiser les forfaitaires alors qu’ils représentent une source de richesse importante, comme peuvent l’être les riches expatriés à Singapour, Hong Kong, Londres, Lisbonne ou Bruxelles.
La charge fiscale y est d’ailleurs bien souvent inférieure. D’ailleurs, dans ces juridictions, ces mêmes contribuables peuvent exercer une activité lucrative, à la différence de la Suisse.
Nous pensons qu’avec la votation du 30 novembre 2014 et les modifications législatives qui ont été adoptées, l’avenir du forfait fiscal devrait être garanti, ce qui est de nature à attirer de nouveaux candidats fortunés à se délocaliser en Suisse.