L’abolition du régime des résidents-non domiciliés au Royaume-Uni (mars 2024)

Me Alexandre Bardot, mars 2024

Un coup de tonnerre, toutefois anticipé a eu lieu au Royaume-Uni, où de nombreuses personnes fortunées, bénéficiant du régime de la « remittance basis » pourraient fuir vers des cieux fiscaux plus cléments, notamment en Suisse, en Grèce ou en Italie. Le ministre britannique des finances, Jeremy Hunt, a annoncé l’abrogation du statut “non-dom” à compter du 6 avril 2025, et son remplacement par un système « Foreign Income and Gains » (“FIG”). Aucune clause d’antériorité n’est prévue dans le cadre de cette annonce.

Ce régime fiscal particulier avait été introduit pour la première fois en 1799, comme solution aux défis pratiques liés à l’imposition des revenus mondiaux générés à des milliers de kilomètres, à l’instar de l’imposition sur la dépense en Suisse introduite au 19ème siècle pour les mêmes raisons.

Les réformes annoncées dans le budget du printemps abolissent la notion de domicile en common law, comme facteur de rattachement pour l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les plus-values et les droits de succession ; ce qui reflète les changements intervenus en 2013, avec le remplacement de la résidence de droit commun par un test de résidence « Statutory Residence Test ». Par conséquent, à partir du 6 avril 2025, l’assujettissement aux droits de succession au Royaume-Uni serait uniquement fondé sur la résidence fiscale. Les détails ne sont pas connus à ce stade, mais selon nos informations, le patrimoine d’un contribuable serait soumis aux droits de succession, s’il a été résident au Royaume-Uni pendant plus de 10 années fiscales (et ce même s’il était non domicilié), avec possiblement un droit de suite de 10 années postérieurement à son départ du Royaume-Uni.

 

A partir du 6 avril 2025, une nouveau régime fiscal FIG «Foreign Income and Gains Regime», serait mis en place afin d’attirer de nouveaux contribuables qui n’auraient pas été résidents du Royaume-Uni au cours des 10 dernières années fiscales. Ce régime prévoit une exonération d’impôt sur les revenus et gains de source étrangère, ainsi que les distributions provenant de trusts offshores, qu’ils soient rapatriés au Royaume-Uni ou non, durant les 4 premières années de résidence au Royaume-Uni. Ce régime implique en contrepartie l’impossibilité de bénéficier de l’abattement personnel en matière d’impôt sur le revenu et de l’exonération forfaitaire annuel en matière d’impôt sur les plus-values.

La réforme prévoit des mesures transitoires. En premier lieu, l’assiette imposable des revenus de source étrangère générés durant l’année fiscale 2025/2026 est réduite de 50% pour les contribuables ayant bénéficié de la « remittance basis » avant le 5 avril 2025 ; mais elle ne concerne pas à priori les gains en capital. Autre mesure, les contribuables imposés selon la « remittance basis » pourront rapatrier les montants générés avant le 5 avril 2025 à un taux forfaitaire de 12% seulement. Cette mesure concerne les rapatriements intervenus durant l’année 2025/2026 ou 2026/2027. Par la suite, ce sont les règles habituelles qui s’appliqueront.

Une autre mesure transitoire permet à un contribuable qui est déjà résident au Royaume-Uni, mais depuis moins de 4 années au 5 avril 2025, de bénéficier du nouveau régime de faveur FIG pour le nombre d’années fiscales restantes, jusqu’à concurrence de 4 années de résidence fiscale en tout.

Enfin, dernière mesure d’accompagnement, il y aurait également une possibilité d’un « rebasing » des actifs au 5 avril 2019 pour les personnes résidentes au Royaume-Uni selon l’ancien régime de faveur, qui ne sont pas «deemed domiciled» et qui effectuent des cessions après le 6 avril 2025.

Last but not least, l’annonce concerne également la problématique du régime fiscal d’un trust offshore établit par une personne résidente au Royaume-Uni qui n’était pas « deemed domiciled » avant le 5 avril. Au niveau de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les gains en capital, un trust dont le « settlor » et bénéficiaire sont la même personne devrait perdre le statut fiscal favorable de «protected trust» dès le 6 avril 2025. Le « Settlor » serait alors imposable sur les revenus et gains en capital générés après le 6 avril 2025. Au niveau des droits de succession, les actifs transférés dans le trust, avant le 5 avril 2025, demeureraient hors champ au décès du constituant, pour autant qu’il s’agisse d’actifs non britanniques et ce quel que soit le nombre d’années de résidence du « Settlor ». Quant au traitement des trusts offshore créés après le 6 avril 2025, cela pourrait être fonction du nombre d’années de résidence du « Settlor » et ce point sera discuté lors du processus de consultation engagé.

En conclusion, bien qu’il faille encore attendre la publication de la prochaine de loi de Finance et l’issue des prochaines élections, cette annonce a déstabilisé de nombreux étrangers fortunés au bénéfice du régime de faveur. La disparition des avantages fiscaux liés aux « protected trusts » suscite également de nombreuses inquiétudes car le « settlor » serait désormais taxé par transparence sur les revenus et gains étrangers reçus au sein du le trust. Certains d’entre eux envisagent déjà de transférer leur résidence fiscale en Suisse centrale au rôle ordinaire (Zoug, Schwyz), ou dans les cantons romands au forfait fiscal. D’autres envisagent l’Italie et son forfait fiscal mis en place en 2017, mais craignent l’instabilité fiscale. Enfin, d’autres se tournent vers Dubaï ou Singapour, nouvelles coqueluches des HNWI ultra mobiles.